Qui suis-je ?
Après un parcours très académique et beaucoup trop d’années d’étude, j’ai pris la décision de tout arrêter pour laisser libre cours à ma créativité et surtout pour me sentir vraiment utile.
J’ai fait des études de lettres classiques à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon (agrégation et doctorat), me destinant à une carrière universitaire. Dans ma naïveté, je pensais que seuls comptaient le dossier et les publications scientifiques. Grave erreur ! il fallait aussi se rendre aimable (pour rester polie) auprès des pontes parisiens et je n’ai jamais voulu le faire… car j’aurais dû trahir mes valeurs, et rien au monde ne peut me persuader de faire une chose pareille. Je n’ai donc aucun regret de ne jamais avoir décroché ce poste de maître de conférences si convoité.
Après cette première vie passée dans les livres et les amphis, j’ai rejoint l’Education Nationale pendant 10 ans. Ce n’était pas toujours rose, c’est le moins que l’on puisse dire, mais ces années m’ont appris énormément sur la nature humaine. Gérer les conflits, encourager, transmettre la motivation et le goût de l’effort, mener des projets collectifs, parler en public, autant de missions auxquelles aucune étude universitaire ne prépare, mais qui constituent pourtant la réalité du métier. Le cadre sclérosé de l’institution et la dégradation des conditions de travail m’ont poussée à aller plus loin. Je ne suis pas du genre à me plaindre éternellement !
Une expérience m’avait particulièrement marquée durant ces années. Elle a déterminé le choix que j’ai fait ensuite lors de ma reconversion professionnelle. Je vous la raconte ?
« Qu’est-ce qu’on va faire de lui ? ». Ses yeux angoissés trahissent tout à la fois l’amour qu’elle porte à son fils et l’inquiétude qui la ronge. « Vous comprenez, sa sœur, il n’y a pas de problème. Mais Romain, c’est autre chose ! ». Romain, justement, est assis en face de moi, à côté de sa mère. Il baisse la tête. En classe, il fait tout pour amuser la galerie, même quand il faut dépasser les bornes. Avec moi, il se tient à peu près tranquille, mais les collègues s’arrachent les cheveux. Je suis professeur principal de 6e, et j’ai sollicité, au nom de l’équipe, ce rendez-vous pour apporter des solutions. Et subitement, c’est cette dernière phrase, chuchotée comme une confidence, qui remet toutes les pièces du puzzle à leur place : « il n’y a qu’une chose qui l’intéresse, vous voyez ? Voilà, il a fait son atelier, chez nous, et il passe des heures à bricoler ses trucs en bois ». Le vrai problème de Romain, c’est donc qu’il veut travailler avec ses mains, et que personne ne n’en lui a donné le droit. Pour l’instant, ses talents comptent pour du beurre. Zéro pointé.
L’intelligence manuelle n’est pas appréciée à sa juste valeur que ce soit à l’école ou plus largement dans notre société occidentale - surtout en France. Les choses commencent petit à petit à changer, heureusement. Voilà pourquoi je suis aujourd’hui engagée auprès des entreprises, des organismes et des associations qui se battent tous les jours pour défendre les savoir-faire, les patrimoines vivants et leur transmission aux générations futures.
Un pays qui ne développe que le secteur tertiaire s’auto-détruit de l’intérieur ! Il faut que les jeunes se saisissent des opportunités dans l’industrie et l’artisanat. Qu’ils fassent entendre leur voix pour que tout le monde comprenne que chacun a ses talents, différents de ceux du voisin, et que c’est ça, la vraie richesse. Vous êtes d’accord avec moi ?